La question de la rémunération du président de SASU constitue un enjeu stratégique majeur lors de la création d’entreprise. En effet, de nombreux dirigeants choisissent délibérément de ne pas se verser de salaire pendant les premières années d’activité, que ce soit pour préserver leur trésorerie, maintenir leurs droits aux allocations chômage ou optimiser leur situation fiscale et sociale. Cette décision, loin d’être anodine, nécessite une formalisation rigoureuse à travers des procès-verbaux d’assemblée générale parfaitement rédigés.

Le cadre juridique français encadre strictement les modalités de non-rémunération des dirigeants sociaux. Une formulation inadéquate peut entraîner des risques de requalification par l’URSSAF ou créer des difficultés lors des contrôles fiscaux. Par ailleurs, les organismes comme France Travail exigent des justificatifs précis pour maintenir les droits aux prestations sociales. La rédaction du procès-verbal d’assemblée générale doit donc répondre à des exigences techniques spécifiques tout en préservant la flexibilité nécessaire à l’évolution de l’entreprise.

Cadre juridique de la non-rémunération des dirigeants en SASU selon le code de commerce

Article L227-6 du code de commerce et statut du président non salarié

L’article L227-6 du Code de commerce définit le statut juridique du président de SASU en précisant qu’il n’est pas considéré comme un salarié de la société. Cette disposition fondamentale permet au dirigeant d’exercer ses fonctions sans percevoir de rémunération, contrairement aux salariés qui doivent obligatoirement recevoir au minimum le SMIC. Le président de SASU bénéficie ainsi d’une liberté totale quant à la fixation de sa rémunération, y compris la possibilité de la fixer à zéro euro.

Cette flexibilité statutaire trouve ses limites dans l’application du principe de réalité économique. Les juges peuvent en effet requalifier une relation de travail déguisée si les conditions d’exercice du mandat social s’apparentent à celles d’un contrat de travail. Pour éviter ce risque, il convient de veiller à ce que le dirigeant conserve une réelle autonomie dans l’organisation de son travail et dispose d’un pouvoir de décision effectif au sein de la société.

Distinction entre rémunération et remboursement de frais professionnels

La législation établit une distinction claire entre la rémunération proprement dite et le remboursement des frais professionnels engagés dans l’exercice du mandat social. Même lorsque le président ne perçoit aucune rémunération, il peut légitimement obtenir le remboursement de ses frais de déplacement, de représentation ou de formation sur présentation de justificatifs. Cette possibilité doit être expressément mentionnée dans le procès-verbal d’assemblée générale pour éviter toute ambiguïté.

Les frais remboursables comprennent notamment les frais de transport, d’hébergement, de restauration dans le cadre de missions professionnelles, ainsi que les frais de bureau à domicile selon un forfait déterminé. Il est recommandé de définir précisément les modalités de remboursement dans une note de frais interne pour sécuriser ces pratiques face à un éventuel contrôle fiscal ou social.

Conséquences fiscales de l’absence de rémunération sur l’IR et l’IS

L’absence de rémunération du dirigeant produit des effets distincts selon le régime fiscal de la SASU. Dans le cadre de l’impôt sur les sociétés (IS), qui constitue le régime de droit commun, l’absence de charges de personnel permet de maximiser le résultat imposable de la société. Cette stratégie peut s’avérer pertinente lorsque le taux d’IS réduit de 15 % s’applique aux premiers 38 120 euros de bénéfice.

En revanche, si la SASU opte pour le régime fiscal des sociétés de personnes (transparence fiscale), l’absence de rémunération du dirigeant n’impacte pas directement l’imposition personnelle de ce dernier. Les bénéfices sont en effet imposés directement entre les mains de l’associé unique, qu’ils soient distribués ou non. Cette option reste néanmoins limitée dans le temps et soumise à des conditions strictes d’éligibilité.

Impact sur les cotisations sociales RSI et régime général

Le statut social du président de SASU non rémunéré présente des spécificités importantes. En l’absence de rémunération, le dirigeant ne relève d’aucun régime de protection sociale obligatoire au titre de son mandat social. Il ne cotise donc ni au régime général de la Sécurité sociale ni au régime des travailleurs indépendants. Cette situation peut créer des lacunes de couverture sociale qu’il convient d’anticiper.

Pour pallier cette absence de protection, le dirigeant peut souscrire des assurances privées ou maintenir ses droits par d’autres moyens (conjoint salarié, activité salariée annexe, etc.). La vigilance s’impose également concernant l’acquisition des trimestres de retraite , car l’absence de cotisations sociales ne permet pas de valider des droits pour la retraite au titre du mandat social.

Rédaction optimale des clauses statutaires pour la non-rémunération

Formulation explicite dans l’article « direction et représentation »

La rédaction de l’article statutaire relatif à la direction doit intégrer une clause claire concernant la rémunération du président. Une formulation type pourrait être : « Les fonctions de président sont exercées à titre gratuit, sauf décision contraire de l’assemblée générale ordinaire ». Cette approche préserve la flexibilité tout en actant le principe de non-rémunération par défaut.

Alternativement, les statuts peuvent prévoir que « la rémunération du président est fixée par l’assemblée générale ordinaire annuelle ». Cette formulation neutre permet d’adapter la politique de rémunération selon l’évolution de la société sans nécessiter de modification statutaire. Elle offre également une sécurité juridique optimale face aux organismes de contrôle qui peuvent exiger une formalisation explicite des décisions de rémunération.

Clause de révocabilité ad nutum et modalités de modification

Les statuts doivent prévoir les modalités de révocation du président et de modification de sa rémunération. La clause de révocabilité ad nutum, c’est-à-dire sans préavis ni indemnité, constitue un standard dans les SASU. Elle peut être assortie de conditions particulières concernant la rémunération : « Toute modification de la rémunération du président prend effet à compter de la décision de l’assemblée générale ordinaire, sans effet rétroactif ».

Cette approche évite les risques de requalification liés à une modification rétroactive de la rémunération. Elle permet également de sécuriser les relations avec les organismes sociaux qui surveillent particulièrement les évolutions de rémunération des dirigeants majoritaires.

Mention des frais de représentation et missions spécifiques déductibles

Les statuts peuvent utilement préciser le régime applicable aux frais professionnels du dirigeant. Une clause type pourrait stipuler : « Le président peut obtenir le remboursement de tous frais exposés dans l’intérêt de la société, sur présentation de justificatifs et selon les modalités définies par le conseil d’administration ou l’assemblée générale ».

Cette formulation évite la confusion entre rémunération et remboursement de frais, tout en préservant la souplesse nécessaire à l’évolution des pratiques. Elle constitue également un gage de transparence vis-à-vis des associés et des tiers qui peuvent consulter les statuts de la société.

Articulation avec les conventions réglementées de l’article L227-10

L’article L227-10 du Code de commerce soumet certaines conventions conclues entre la société et ses dirigeants à un régime d’autorisation préalable et de contrôle. Bien que la fixation de la rémunération du président ne constitue pas une convention réglementée au sens strict, il convient de veiller à la cohérence des décisions prises en assemblée générale.

Les statuts peuvent prévoir un mécanisme de contrôle interne des décisions relatives à la rémunération, notamment lorsque la SASU évolue vers une structure pluripersonnelle. Cette approche préventive limite les risques de contentieux ultérieurs et renforce la gouvernance de la société.

Procès-verbal d’assemblée générale et formalisme déclaratif

Résolution spécifique de fixation à zéro euro de la rémunération

Le procès-verbal d’assemblée générale doit comporter une résolution explicite concernant la rémunération du président. La formulation recommandée est la suivante : « L’assemblée générale décide de fixer à zéro euro la rémunération du président pour l’exercice social en cours, celui-ci exerçant ses fonctions à titre gratuit ». Cette rédaction évite toute ambiguïté et satisfait aux exigences des organismes de contrôle.

La précision du montant zéro euro présente un avantage juridique indéniable par rapport à une formulation vague comme « absence de rémunération ». Elle démontre que la question a été spécifiquement examinée et tranchée par l’assemblée générale, renforçant ainsi la sécurité juridique de la décision.

Il est également recommandé d’ajouter une mention relative aux frais professionnels : « Le président pourra obtenir le remboursement de ses frais professionnels sur présentation de justificatifs conformément aux dispositions statutaires ». Cette précision évite tout malentendu sur la distinction entre rémunération et remboursement de frais.

Dépôt au greffe du tribunal de commerce et formalités RCS

Contrairement aux modifications statutaires, le procès-verbal de fixation de rémunération ne fait pas l’objet d’un dépôt obligatoire au greffe du tribunal de commerce. Toutefois, certaines situations particulières peuvent justifier ce dépôt, notamment lorsque France Travail l’exige pour maintenir les droits aux allocations chômage du dirigeant.

Le dépôt volontaire au greffe présente l’avantage de donner date certaine au procès-verbal et de le rendre opposable aux tiers. Cette démarche peut s’avérer stratégique dans le cadre de relations bancaires ou lors de négociations avec des partenaires commerciaux qui souhaitent s’assurer de la situation du dirigeant.

Publication dans un journal d’annonces légales agréé

La publication d’un avis de nomination ou de modification des conditions de rémunération du dirigeant n’est généralement pas obligatoire, sauf disposition contraire des statuts. Néanmoins, cette formalité peut présenter un intérêt en termes de communication et de transparence, particulièrement dans le cadre de relations d’affaires avec des partenaires institutionnels.

Le coût de cette publication doit être mis en balance avec ses bénéfices potentiels. Dans la plupart des cas, la conservation du procès-verbal dans les archives sociales et sa mise à disposition pour consultation suffisent à répondre aux obligations légales.

Optimisation fiscale et sociale de la stratégie de non-rémunération

La stratégie de non-rémunération du dirigeant de SASU s’inscrit souvent dans une approche globale d’optimisation fiscale et sociale. Cette approche nécessite une analyse fine de la situation personnelle du dirigeant et des perspectives de développement de l’entreprise. L’absence de rémunération pendant les premières années d’activité permet notamment de préserver la trésorerie de l’entreprise pour financer sa croissance et ses investissements.

Cette stratégie présente des avantages immédiats en termes de charges sociales évitées, mais elle doit être mise en perspective avec les coûts à long terme liés à l’absence de droits sociaux. Le dirigeant non rémunéré ne cotise pas pour sa retraite au titre de son mandat social et ne bénéficie pas de la couverture maladie du régime général. Il convient donc d’évaluer précisément le coût des assurances privées nécessaires pour compenser ces lacunes de couverture.

L’optimisation fiscale peut également passer par une stratégie de différé de rémunération. Le dirigeant peut choisir de ne pas se rémunérer pendant les exercices déficitaires ou faiblement bénéficiaires, puis de se verser une rémunération plus importante lorsque la société atteint un niveau de rentabilité satisfaisant. Cette approche permet de lisser la charge fiscale et sociale sur plusieurs exercices, tout en préservant les intérêts de l’entreprise.

La question du timing revêt une importance particulière dans cette stratégie. Le passage d’une rémunération nulle à une rémunération significative doit être anticipé pour éviter les effets de seuil en matière de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. Il peut être judicieux de planifier cette évolution sur plusieurs exercices pour optimiser la progression des prélèvements obligatoires.

Risques juridiques et contrôles URSSAF en cas de requalification

Les contrôles URSSAF concernant les dirigeants de SASU non rémunérés se sont intensifiés ces dernières années. L’administration sociale porte une attention particulière aux situations où un dirigeant majoritaire exerce ses fonctions sans rémunération alors que l’entreprise génère des bénéfices substantiels. Le risque de requalification existe notamment lorsque le dirigeant exerce ses fonctions dans des conditions similaires à celles d’un salarié, avec des horaires fixes, un contrôle hiérarchique ou des objectifs imposés par d’autres associés.

La jurisprudence a établi plusieurs critères pour apprécier le risque de requalification. Le juge examine notamment l’existence d’un lien de subordination, la réalité des pouvoirs exercés par le dirigeant, et la cohérence entre le statut juridique et la situation de fait. Un dirigeant qui ne dispose d’aucune autonomie dans l’organisation de son travail et qui reçoit des instructions précises d’autres associés court le risque de voir sa relation requalifiée en contrat de

travail.Pour se prémunir contre ce risque, il est essentiel de documenter précisément les conditions d’exercice du mandat social. Le procès-verbal d’assemblée générale doit expliciter les pouvoirs étendus du dirigeant et sa liberté d’organisation. Il convient également de maintenir une cohérence entre les décisions prises et la réalité économique de l’entreprise. Un dirigeant qui ne se rémunère pas pendant plusieurs années consécutives alors que la société dégage des bénéfices importants peut susciter l’attention des contrôleurs.L’URSSAF peut également remettre en cause la qualification de dirigeant lorsque ce dernier cumule son mandat avec d’autres activités professionnelles. Si le dirigeant exerce parallèlement une activité salariée dans une autre entreprise ou développe une activité indépendante, l’administration peut considérer que le mandat social constitue en réalité un complément d’activité justifiant une rémunération. Cette situation nécessite une attention particulière dans la rédaction des procès-verbaux et la justification de l’absence de rémunération.La prescription en matière de redressement URSSAF s’étend sur trois années, portée à cinq ans en cas de manœuvres frauduleuses. Les pénalités peuvent représenter jusqu’à 100% des cotisations dues, auxquelles s’ajoutent les intérêts de retard. Ces montants peuvent rapidement compromettre l’équilibre financier d’une jeune entreprise, d’où l’importance d’une stratégie juridique préventive rigoureuse.

Alternatives légales : dividendes, compte courant d’associé et avantages en nature

Face aux contraintes liées à l’absence de rémunération, plusieurs alternatives légales permettent au dirigeant de SASU de percevoir des revenus de son entreprise. La distribution de dividendes constitue l’option la plus couramment utilisée. Ces revenus, soumis à la flat tax de 30% ou au barème progressif de l’impôt sur le revenu selon l’option choisie, ne supportent pas de cotisations sociales pour les dirigeants de SASU. Cette caractéristique en fait un outil d’optimisation particulièrement attractif.La stratégie de distribution de dividendes nécessite toutefois que la société ait dégagé des bénéfices distribuables et constitué les réserves légales obligatoires. Le dirigeant doit également anticiper l’impact fiscal de ces distributions sur sa situation personnelle. L’étalement des distributions sur plusieurs exercices peut permettre de rester dans des tranches d’imposition favorables et d’optimiser la charge fiscale globale.Le compte courant d’associé représente une autre alternative intéressante. Le dirigeant peut avancer des fonds à sa société ou, inversement, se faire rembourser des avances consenties antérieurement. Ces mouvements ne constituent pas des revenus imposables dans la mesure où ils correspondent à des créances légitimes. Il convient néanmoins de respecter certaines règles, notamment en matière de taux d’intérêt lorsque la société est débitrice du compte courant de l’associé.Les avantages en nature constituent une troisième voie d’optimisation, bien qu’encadrée strictement par la législation fiscale et sociale. Le dirigeant peut bénéficier de l’usage d’un véhicule de fonction, d’un téléphone portable professionnel ou d’autres biens mis à disposition par la société. Ces avantages doivent être évalués à leur valeur réelle et déclarés le cas échéant comme revenus imposables. Leur utilisation doit être justifiée par l’intérêt social de l’entreprise pour éviter tout risque de redressement fiscal.L’articulation entre ces différentes alternatives et la stratégie de non-rémunération demande une planification minutieuse. Le dirigeant doit évaluer l’impact global de ses choix sur sa situation fiscale personnelle, ses droits sociaux et la trésorerie de l’entreprise. Cette approche globale nécessite souvent l’accompagnement de conseillers spécialisés pour optimiser les arbitrages et sécuriser juridiquement les montages retenus.Il est également important de considérer l’évolution dans le temps de ces stratégies. Ce qui peut s’avérer optimal durant les premières années d’activité peut devenir inadapté lorsque l’entreprise atteint sa maturité. La flexibilité des procès-verbaux d’assemblée générale permet d’adapter la politique de rémunération aux évolutions de la société et aux changements de la réglementation fiscale et sociale.